RUNGIS (Val-de-Marne)

 


RUNGIS

Km=556 

Jeudi 24 août 1944

Sous-Groupements Cantarel & Putz

 

Sherman « Mort Homme » 3/501e RCC
Crédit Photo Famille RENARD

 

 

Libération de Rungis - Crédit photo - Famille Renard

 

 

Libération de Rungis - Crédit photo - Famille Renard

 

« On avait entendu la veille que les Américains étaient à Morangis, raconte Marie-Claire Ballin.
Alors quand les chars sont arrivés dans l’après-midi, on a cru que c’était eux.
Et puis, devant chez nous, on a entendu un tankiste s’exclamer « Ah merde, le con ! ».
Mon père s’est écrié « Ah, c’est bien des Français ! ».
C’était déjà une joie d’être libérés, mais encore plus par des Français ! »

 

 

Extrait de « LECLERC »
Général Jean COMPAGNON
FLAMMARION
1994

 

Revenons auprès du GTV du colonel Billotte chargé de la mission principale autour de l’axe sud-nord Arpajon-Paris par la nationale 20.

Le général Leclerc le suit.

Le 24 août, Billotte rencontre les premières résistances à hauteur de Longjumeau atteint entre 10 et 11 heures par les sous-groupements Cantarel venant de Villejust, et Putz venant d’Arpajon. Warabiot manœuvre du côté de Wissous dont il s’empare vers 16 heures.

A gauche, Cantarel manœuvre du côté de Massy. Partout la résistance allemande est âpre.
La progression est lente. Putz au centre, à la sortie d’Antony, découvre au carrefour de Croix-de-Berny une résistance solide appuyée par un canon de 88 très bien placé. Il essaie de le faire déborder par le détachement Dronne qui trouve un trou et reçoit néanmoins l’ordre de se rabattre sur l’axe principal.

Devant Warabiot, à droite, la prison de Fresnes est un solide centre de résistance allemande.
A 19 h 30, la situation est toujours figée à Croix-de-Berny et à la Belle-Épine.

Depuis le matin les pertes ont été sévères, en particulier un magnifique commandant de compagnie du III/RMT, le capitaine Dupont, ancien de Norvège, vient d’être tué à la prison de Fresnes.
Billotte ignore quelles résistances allemandes peuvent être rencontrées derrière la transversale venant du Petit-Clamart-Croix-de-Berny-La Belle-Épine. Dans deux heures, la nuit va tomber. Il décide que le GTV passera la nuit dans la position atteinte. Leclerc suit depuis le matin sa progression. Durant la journée il reçoit un émissaire de Chaban-Delmas, M. Petit-Leroy, qui lui demande de presser le mouvement d’entrée à Paris, tant la situation y devient grave. Leclerc renvoie cet émissaire, accompagné de l’adjudant Dericbourg de l’escadron de protection du QG, avec une lettre pour le général von Choltitz, le rendant personnellement responsable de la destruction éventuelle des monuments historiques de Paris. L’émissaire et son accompagnateur sont interceptés par les SS et tués. Cependant, la lettre à von Choltitz, récupérée par les SS, aurait été remise au général et trouvée sur son bureau, ouverte, le lendemain 25 lorsqu’il sera fait prisonnier.

Dans la soirée du 24, pour encourager la Résistance dans Paris, Leclerc envoie au-dessus de Paris un piper-cub de l’artillerie divisionnaire avec le capitaine Callet et le lieutenant Mantoux comme équipage. Ils ont mission de larguer dans la préfecture de police assiégée par les Allemands un message lesté : « Tenez bon. Nous arrivons. » Callet et Mantoux réussissent, en zigzaguant beaucoup pour éviter les tirs antiaériens, ils rentrent, les plans criblés d’impact.
Tout au long de la journée, Leclerc s’impatiente au cours des assauts répétés contre les résistances allemandes successives. Il est mécontent de voir Billotte s’acharner contre la résistance de Croix-de-Berny au lieu de tenter de la déborder, conformément à ses ordres. Gribius, qui le suit, écrit :
Ainsi l’agace, depuis ce matin, l’emploi fâcheux de cette force blindée que Billotte a liée aux grands axes et aux carrefours, alors que, dans l’esprit de Leclerc, il ne s’agissait que d’indication de principe […]. Il se porte à la tête des premiers éléments de Billotte. Il sent qu’il faut faire quelque chose cette nuit même, car il pressent la menace qui pèse sur nos compatriotes, et ne veut pas que se ralentisse la cadence de la marche en avant.

Leclerc se porte au carrefour central d’Antony. Il y trouve l’homme qu’il lui faut, Dronne, un vieux fidèle des premières heures, celles de Douala et Yaoundé, puis du Fezzan; un chef tout acquis à ses méthodes d’audace et d’infiltrationSeul, la canne impatiente tapant le sol, il se précipite sur Dronne  :
– Dronne, qu’est-ce que vous f… ez là?
– Mon général, j’exécute l’ordre que j’ai reçu : me rabattre sur l’axe, au point où nous sommes.
En quelques mots rapides, je lui rends compte d’où nous venons, l’impression que nous avions qu’il n’y avait rien devant nous, du moins pas de résistance sérieuse.
– Il ne faut jamais exécuter les ordres idiots.
La phrase a été dite d’un ton incisif. Quelques secondes après, le général me saisit par le bras : « Dronne, filez droit sur Paris, entrez dans Paris…
1. Raymond Dronne, Carnets de route d’un croisé de la France Libre.
2. Dronne venait de déborder la prison de Fresnes par l’est et se dirigeait vers Paris quand il a reçu « un ordre qui me fait bouillonner de colère, celui de me rabattre sur l’axe à 600 m au sud de Croix-de-Berny. Je fais répondre qu’il n’y a rien devant nous, que la route de Paris est ouverte. L’ordre est confirmé. J’insiste encore. L’ordre est répété avec exécution immédiate. Je me résous, le cœur gros et débordant de rage… »

 

 

Témoignage

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Libération de Rungis - Crédit photo - Famille Renard

 

 

«Mais la partie n’est pas jouée. Warabiot a eu raison des batteries de Wissous. Il se heurte aussitôt à un autre bouchon devant Rungis. Le combat reprend, confus cette fois. Rivé aux rues, de plus en plus construites, sans possibilité de déborder, il est obligé de faire front et, à chaque incident, de lancer son infanterie pour réduire barricades ou tireurs isolés retranchés dans les pavillons. La progression s’arrête, repart. S’arrête encore. Il va falloir près de deux heures pour effectuer les quatre kilomètres suivants.
Putz, au centre, n’est pas mieux loti. Il est, encore plus que Warabiot, lié à la Nationale 20. Sur sa droite, les ruelles d’Antuny constituent un labyrinthe inextricable dont il lui serait impossible de se dépêtrer et qui lui réserveraient trop de mauvaises rencontres.
— Poussez, poussez, demande-t-il à Sarrazac et à Branet, avec les gestes d’un demi de mêlée. Il faut que ça cède…
Et « ça » cède. Pas toujours du premier coup. Mais les Shermans canonnent sans arrêt.
Les officiers de liaison d’artillerie, grimpés dans les étages, guident le tir des 105 qui se mettent en position au hasard des placettes, des carrefours. Ils pilonnent les barrages, les carrefours suspects. Ils arrosent, sur les flancs, les batteries antiaériennes qui mitraillent les fantassins.
Et il y a la foule. Elle va et reflue, en un incessant mouvement de vague. Dispersée par les arrivées, elle commente les départs, insouciante des éclats perdus, des balles folles qui, de temps à autre, frappent dans ses rangs. Des bouteilles passent de main en main, arrivent jusqu’aux blindés, d’où s’en vont, par le même chemin, biscuits, boîtes de ration, cigarettes.
C’est un spectacle inoubliable pour ceux qui le vivent. Avec ses incidents, tragiques ou simplement cocasses. Le second maître Meté, chef de bord du T.D. Audacieux, signale un blessé, le matelot breveté Manet.
— C’est grave ? demande l’enseigne de vaisseau Lacoin.
— Non. Il a reçu un bouquet de fleurs. D’un quatrième étage… Ailleurs, un 88 percute, en plein milieu d’un rassemblement hérissé
de drapeaux tricolores. La foule se disperse. Ne reste qu’un enfant, la jambe arrachée, que Suzanne Torrès, la « Rochambelle », qui se trouve pratiquement en pointe, avec les chars de tête, évacue aussitôt sur l’hôpital américain de Dourdan.
Il est quatre heures de l’après-midi. Warabiot a débordé Rungis.
— Portez-vous sur la Croix de Berny, ordonne Billotte : Putz y est sévèrement accroché…
Warabiot s’exécute. Il effectue un quart de tour sur sa gauche. Devant lui, un peu en retrait à droite, la prison de Fresnes, bâtiment sombre, sinistre, inquiétant avec ses murs de brique percés de lucarnes, suspectes comme des meurtrières.
Les chars de Witasse se sont déployés sur le trottoir, abrités derrière les ormes. L’avenue est barrée de tranchées protégées de chevaux de frise, défendues par les blockhaus de sacs à terre. Le passage est bloqué, semble-t-il, par un système cohérent.»

Extrait de “La 2e DB” – Erwan Bergot – Presses de la Cité – 1980

 

 

 
 

 

 

 

 

 

RUNGIS – Infos

 

EMPLACEMENT de la BORNE

La borne se trouve à l’angle de la voie des Jumeaux et du chemin des Champs, au sud de la ville.

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